Protection des troupeaux

La présence de prédateurs tels que le loup, l’ours, le lynx ou le chacal doré oblige les éleveurs à s’organiser pour protéger leurs bêtes d’éventuelles attaques. Des moyens de protection sont utilisés pour limiter les dégâts sur les troupeaux.


Moyens de protection et savoir-faire


Bien qu’il existe une multitude de systèmes d’élevage avec des modes de conduites très variés, les rôles premiers de l’éleveur sont de nourrir les bêtes, les maintenir en santé et assurer leur sécurité. Son but est de pérenniser l’élevage et tirer un revenu de sa production (viande, lait, fromage etc.).
La mise en protection d’un troupeau demande un investissement et une charge de travail conséquente, les contraintes sont nombreuses. L’éleveur et le berger gèrent les outils de protection, les combinent entre eux et les font évoluer au fil du temps. L’objectif est de réussir à utiliser un schéma de protection qui fait preuve d’efficacité face au risque, tout en restant en adéquation avec le système d’élevage. C’est un travail de plusieurs années. Une présence humaine régulière permet de faire des choix stratégiques quant à l’utilisation et la gestion des moyens de protection.



Dans de nombreux pays, le chien de protection est l’outil principal pour protéger les troupeaux. Son utilisation est très ancienne, d’ailleurs il reste aujourd’hui encore la solution la plus efficace contre les attaques. Par nécessité, ce chien de grande taille a été sélectionné par les éleveurs et les bergers sur des critères basiques : utile et fonctionnel. Son rôle est de dissuader tout intrus d’approcher le troupeau, certains individus n’hésitent pas à aller au contact si la mise en garde ne suffit pas. Il existe aujourd’hui dans le monde une cinquantaine de races de protection, mais aussi de nombreux croisements locaux.
La mise en place de chiens de protection au sein d’un élevage est un réel investissement personnel qui demande des connaissances. En effet, les chiens doivent répondre à de nombreux critères pour être fiables et prêts à l’emploi. Réussir leur intégration au sein de l’élevage n’est pas chose acquise. Tout au long de leur vie, ils vont vivre avec le troupeau et seront amenés à gérer des situations très diversifiées pour le protéger. Leur réaction comportementale doit rester adaptée aux circonstances pour éviter certains conflits. Une disponibilité est nécessaire permettant d’observer, de corriger le chien et de faciliter son introduction ainsi que sa gestion quotidienne future. De manière générale, l’efficacité de ces chiens est indéniable cependant elle n’est pas absolue. Ils limitent les dommages mais ne peuvent assurément les faire disparaître. Ces chiens travaillent dans un environnement naturel et de nombreux facteurs viennent influencer leur efficacité.


Tous les chiens n’ont pas les mêmes capacités de protection d’une race à l’autre et surtout d’un individu à l’autre. D’ailleurs, les bergers et les éleveurs utilisent souvent les termes « bon ou mauvais » pour qualifier leurs chiens, chaque propriétaire à des attentes différentes en fonction de son contexte. Le nombre de chiens peut aussi varier considérablement d’un élevage à l’autre selon la taille du troupeau, la vulnérabilité des zones de pâturage, la pression loup, l’allotement, la présence humaine et les animaux à protéger etc. L’objectif est d’obtenir un chien ou une meute efficace qui s’adapte à son propre système et qui est capable de répondre « présent » face au risque de prédation. D’autres paramètres entrent aussi en compte et peuvent avoir des répercussions sur le travail des chiens.
La fréquentation intense liée aux activités touristiques et sportives sur les territoires pastoraux est très importante en Europe de l’ouest. Pour les éleveurs et les bergers, elle engendre une grande difficulté à gérer leurs chiens qui sont constamment sollicités. Pour garder un climat apaisé entre le pastoralisme et les autres activités humaines, il arrive que certaines meutes soient en sous-effectif au détriment de la protection du troupeau.


La clôture est avant tout du matériel qui permet de contenir les bêtes dans une zone de pâturage et gérer les ressources en herbe. C’est un bon outil de gestion pastorale sur des surfaces adaptées, qui permet de s’affranchir du gardiennage. Face à la prédation, la clôture peut aussi remplir une fonction de protection à condition que certains critères soient respectés et contraignent le prédateur à ne pas franchir le parc. Il existe différents types de clôtures fixes ou mobiles. Malgré tout, la clôture « infranchissable » n’existe pas en matière de prédation, son rôle peut se traduire comme « premier rempart » au processus. Pour plus d’efficacité, elle doit généralement être renforcée par des moyens complémentaires tel que le chien de protection.
Certaines conduites pastorales spécifiques au territoire, comme le gardiennage ou le lâché dirigé du troupeau n’utilisent pas de clôture la journée. Par contre, les bêtes sont regroupées le soir (sauf système couchade libre) et parfois pendant la chôme dans des parcs de nuit tournants ou en bâtiments. De manière générale, c’est la nuit que le risque d’attaque est le plus élevé. L’option du parc de nuit est très utilisée en alpage, à condition de l’associer à la présence de chiens pour la rendre efficace. Réciproquement, ce parc restreint aide aussi les chiens à protéger la zone.


Les tirs de défense létaux et d’effarouchement sont des moyens complémentaires pour protéger un troupeau. Ils peuvent diminuer la pression de prédation ou la supprimer dans certains cas.


Enfin pour mettre en oeuvre toutes ces mesures de protection, des aménagements et des équipements sont nécessaires. En estive comme sur les territoires des exploitations, des aménagements ont progressivement été réalisés pour améliorer la gestion de l’espace pastoral. Quelques exemples : cabanes ou chalets, parcs clôturés, points d’eau, abreuvoirs, parcs de tri et de contention, voies d’accès, débroussaillement etc. Bien souvent, les attaques aboutissent à de profondes modifications structurelles de l’unité pastorale.



Dans l’ensemble, les moyens de protection limitent la prédation cependant ils ont aussi leurs propres limites. En effet, beaucoup de facteurs naturels ou anthropiques influent sur la vulnérabilité du troupeau et entachent les dispositifs de protection. Les prédateurs ont de bonnes capacités d’adaptation et leur pression est permanente, rendant le travail très difficile. Certains élevages n’arrivent pas à faire baisser les dommages malgré des efforts constants de protection. Une part incontrôlable du phénomène est certaine, mais pour que la situation reste supportable et soit maitrisée, l’éleveur ou le berger a besoin de répondre rapidement par des ajustements. Un schéma de protection complet et structuré permet de faire fonctionner la méthode « attaque / contre-attaque ». En somme, c’est le résultat de nombreuses années d’expériences et de connaissances, qui forgent tout le savoir-faire des éleveurs et des bergers utilisateurs.